Marcel
Delattre, jeune militant, est arrêté à Bègles (Gironde) suite à une
distribution de tracts du Parti communiste clandestin. Interné au camp
de Mérignac, il est fusillé le 21 octobre 1941 au camp de Souge. 148
communistes sont arrêtés dans la région bordelaise le 22 novembre 1940.
La plupart seront fusillés… Jean Lemoine vit à Romainville
(Seine-Saint-Denis). Le 26 avril 1941, il y est interpellé par des
policiers français pour « activités de propagande communiste ». Il est
condamné à dix ans de travaux forcés, transféré à la prison de Caen
(Calvados). Le 11 mai 1942, il est désigné pour faire partie du
contingent d’otages exécutés en représailles d’une action de la
Résistance en Seine-Maritime. Recherché pour « menées communistes » et
pour avoir participé à la grande grève des 100 000 mineurs du Nord et
Pas-de-Calais de mai-juin 1941, Léon Bailleux est fusillé le 14 avril
1942 au fort du Vert-Galant, à Wambrechies (Pas-de-Calais). Ouvrier
tourneur chez Hispano-Suiza, Georges Vigor est interpellé à son domicile
le 20 janvier 1941 par des policiers de Gentilly (Val-de-Marne), étant
considéré comme un « meneur très actif et dangereux ». Fin
septembre 1940, la mairie avait informé le commissariat que l’ouvrier
était susceptible de s’occuper d’impression et de distribution de tracts
communistes clandestins. Il est fusillé le 15 décembre 1941 à
Châteaubriant (Loire-Atlantique). Ces vies retirées par l’occupant nazi
avec l’aide active de l’État vichyssois que l’on retrouve parmi les
milliers de biographies de fusillés dans le dictionnaire qui vient de
paraître à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la
Libération (1) illustrent tragiquement à quel point l’engagement des
communistes est considéré comme une menace à anéantir aux premières
heures de l’Occupation. Les militants du PCF qui s’organisent dans les
premiers réseaux clandestins se voient sévèrement réprimés. Emprisonnés
dès 1940, nombreux sont internés. Certains sont exécutés. D’autres, dont
de nombreuses femmes, sont déportés…
Au regard de ce travail biographique sans précédent, la
thèse qui voudrait que les communistes aient attendu l’invasion de
l’URSS le 22 juin 1941 pour entrer en résistance ne tient pas.
L’engagement incontestable des militants mené au péril de leur vie dans
de nombreuses régions de France et secteurs de travail se trouve mis en
lumière. Par dizaines, ils participent ou sont à l’initiative des
premières manifestations antinazies et actes de sabotage, comme le note
la Gestapo le 21 février 1941 (2). Les communistes pour leur part
commencent à se constituer en force clandestine, capable de mener des
campagnes de distribution de tracts, de journaux et des attentats. Au
niveau national : Charles Tillon, futur responsable des FTP, lance un
appel le 17 juin 1940, les deux dirigeants politiques du PCF Maurice
Thorez et Jacques Duclos le 10 juillet de la même année. L’Organisation
spéciale (OS) est constituée, elle est chargée de protéger les
imprimeries clandestines, ainsi que les responsables pourchassés. À la
Libération, l’OS est reconnue « unité combattante à partir
d’octobre 1940 ». On en retrouve les acteurs, pour la plupart fusillés
entre 1941 et 1942. La liste des noms est trop longue pour qu’ils soient
tous énumérés, citons Gaston Carré, Raymond Losserand, Antonin
Revéreault, Louis Coquillet, Louis Marchandise, Marcel Viaud… Autres
organisations ayant joué un rôle important dans la lutte armée, les FTPF
et les FTP-MOI combattent à partir de mai 1941. En zone occupée ou
« libre », les militants dans leur entreprise, leur ville ou village,
les anciens des Brigades internationales ayant combattu en Espagne, les
étrangers, juifs, Arméniens, antifascistes italiens, ceux de l’Affiche
rouge… Là encore, leurs biographies jalonnent le dictionnaire et sont
éloquentes. Une preuve irréfutable. Les communistes, par milliers, ont
pris une part conséquente à la lutte contre l’occupant et ont subi la
répression nazie à partir de 1940 et jusqu’aux dernières heures de la
Libération.
(1) Les Fusillés (1940-1944).
Éditions de l’Atelier, 1 952 pages, 30 euros.
(2) Lire la France dans la tourmente, 1939-1944, de Roger Bourderon et Germaine Willard. Éditions sociales, 1982.