Chine : un « aéroport » dédié aux oiseaux migrateurs
Située sur une importante route de migration de nombreuses espèces oiseaux, la métropole chinoise de Tianjin (15 millions d’habitants) va se doter d’ici à 2018 d’un vaste espace ornithologique paysager de 102 hectares dédié aux oiseaux migrateurs dans la ville nouvelle de Lingang. Cette réalisation constituera une première mondiale, et un exemple qui sera peut-être suivi par d’autres pays de transit...
Qualifié par ses promoteurs de « Bird Airport », cet espace aura effectivement pour objet de faciliter les migrations des oiseaux dans une région de la planète – l’Asie du sud-est et l’Australasie – où l’on dénombre près de 50 millions de voyageurs ailés. Une première mondiale ! Nulle part ailleurs un tel sanctuaire n’a jusque-là été entièrement réalisé par l’homme en zone urbaine pour assurer le repos et la nourriture des oiseaux migrateurs entre deux épuisantes étapes d’un long périple aérien qui peut atteindre 11 000 km pour certaines espèces de l’axe australasiatique. Avec à la clé un objectif de sauvegarde d’espèces clairement menacées par les activités humaines et la raréfaction des zones humides dans les régions côtières.
Unique au monde, en effet ! Tout au plus existe-t-il ici et là – en Chine comme dans de nombreux autres pays dont la France – des aménagements d’espaces naturels préexistants et protégés des activités humaines pour assurer le repos des oiseaux migrateurs. Mais rien de tel que le projet de Tianjin qui sera créé ex-nihilo au cœur de futurs quartiers urbanisés dans le cadre du développement de la ville nouvelle de Lingang.
Un tel projet n’est pas né par hasard : il est le résultat de l’action combinée des experts scientifiques et des militants associatifs auprès des pouvoirs publics pour compenser le bétonnage des zones côtières de la Chine dont près de 70 % sont d’ores et déjà impactées peu ou prou par l’activité humaine au prix de la disparition de nombreux espaces naturels qui constituaient d’indispensables aires de repos lors des migrations. L’espace ornithologique Lingang Eco Park ne se limitera toutefois pas à la protection et au repos des oiseaux migrateurs : il assurera également un rôle de poumon écologique destiné à combattre les effets de la pollution dans une zone de plus en plus densément urbanisée.
C’est un cabinet australien d’architectes paysagistes dont une antenne est implantée en Chine – McGregor Coxall – qui a été choisi à l’issue d’un concours international pour réaliser ce parc ornithologique sans équivalent dont le financement sera assuré par la Banque asiatique et la conduite du projet par la Tianjin Economic-Technological Development Area (TEDA). Et c’est en étroite collaboration avec les ornithologues de l’organisation australienne Avifauna Research spécialisés dans les espèces migratoires qu’a été conçu, avec le souci de recréer des biotopes aussi fidèles que possible, le projet de cet « aéroport » unique en son genre.
Les oiseaux migrateurs concernés – plus d’une cinquantaine d’espèces selon McGregor Coxall – disposeront dans ce lieu dédié de trois grandes zones humides, l’une formée de marécages, une autre de roselières, et une troisième de rapides de faible profondeur. La superficie de ce « sanctuaire » sera de 61 hectares auxquels s’ajoutera une ceinture de 20 hectares d’espaces arborés afin de séparer le parc des zones d’activité et d’habitat humains.
L’homme ne sera toutefois pas totalement exclu de cet espace auquel les promoteurs du projet ont voulu donner une dimension didactique grâce à divers équipements, et notamment un centre d’interprétation dénommé Pavillon de l’eau. Sont également prévus 14 observatoires et un total de 7 kilomètres de sentiers pédagogiques piétonniers et cyclistes dans l’espace boisé en périphérie du parc. De quoi ravir petits et grands citadins, et cela d’autant plus que des caméras prédisposées sur le site permettront d’observer les oiseaux en plans rapprochés sans risque de les importuner.
Incontestablement, ce type de projet est séduisant – ne serait-ce que pour l’information et l’éducation des citadins –, et d’autres espaces de même nature devraient probablement voir le jour dans l’avenir, en Chine comme dans d’autres pays de la planète où les zones humides côtières sont menacées par le bétonnage. Mais précisément, ces « aéroports pour oiseaux migrateurs » ne sont-ils pas l’éclatante illustration de la coupable désinvolture humaine à l’égard de l’environnement et du monde animal sauvage ?
Comment en est-on arrivés à recréer artificiellement des espaces qui préexistaient et qui ont été saccagés par l’expansion trop souvent irresponsable de l’activité humaine au détriment des équilibres écologiques, et en l’occurrence de la survie des espèces d’oiseaux migrateurs ? Imagine-t-on la France sans la Brière, la baie de Somme ou la Camargue, pour ne parler que de ces écosystèmes côtiers protégés ? La réponse est évidemment dans la question. Et c’est avant tout pour la sauvegarde des biotopes naturels adaptés aux besoins des oiseaux migrateurs qu’il convient de se battre en priorité !
Illustrations McGregor Coxall
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