Présidentielles 2017 : l’explosion silencieuse
"C'était une de ces journées grises où il va se mettre à neiger d'une minute à l'autre, où il y a comme de l'électricité dans l'air, tu peux presque l'entendre, tu vois ?"
American Beauty
On ne rêve plus. On est rêvé.
Henri Michaux, Plume précédé de Lointain intérieur, Gallimard, 1963, p. 44.
On ne saurait sérieusement continuer à faire comme si de rien n'était avec une brochette de candidats qui portent beau alors qu'ils ont tous des accrocs à leurs costumes et les revers de pantalons mouillés par diverses « affaires ».
Que Bruno Le Roux, ex-ministre de l'Intérieur, ait été démissionné en quelques heures après la révélation de contrats de travail accordés à ses filles dans des conditions elles aussi discutables ne vient qu'ajouter une perle au collier d'infractions qui se resserre petit à petit autour de ceux des candidats à la présidence de la République dont les turpitudes avérées ou soupçonnées devraient leur interdire sans discussion possible et de manière immédiate, avant que d'être ou non confirmées, toute prétention d'ordre politique. Comment accepter en effet la possibilité que l'accès à la magistrature suprême puisse s'accommoder du moindre soupçon ? Comment des candidats et des électeurs peuvent-ils imaginer – sauf à être à leur tour malhonnêtes en couvrant les agissements de leurs favoris -, que ces favoris précisément puissent passer entre les gouttes, « tenir » jusqu'aux élections et se dire qu'une fois élu(e)s ils seront à l'abri de toutes poursuites et pourront exercer leur mandat, sachant qu'à l'issue de celui-ci les éventuelles procédures judiciaires ne déboucheront bien entendu et comme d'habitude sur rien, avec au choix un non-lieu ou une relaxe des faits poursuivis ?
La marée noire Fillon continue de s'étendre, tranquillement, noyant les plus petits interstices du paysage politique d'une pâte gluante tandis que monte au firmament l'image immaculée et virginale d'un E. Macron auquel tout le monde se rallie. « Follow the money », disait D. Trump en souriant, brocardant son adversaire. Il n'avait pas tort. Tous ces politiques qui s'agitent dans ce qui est devenu la basse-cour présidentielle française ont décidément une relation problématique à l'argent, leur cupidité commune finissant par tout flétrir, le regard des autres les gênant à peine dans leurs coupables activités de gagne-petit (les garde-robes offertes par les amis, et pourquoi pas des sous-vêtements tant qu'à faire ?) d'accumulation sauvage du capital par tous les moyens possibles, le plus efficace demeurant depuis des temps immémoriaux le détournement ou l'usage particulier de fonds publics.
Combien de temps tout cela va-t-il durer ?
I- Un détonateur activé
L'élection présidentielle est perdue dans son essence, empoisonnée par ces pics de pollution que représentent les révélations hebdomadaires de malversations ou le voile pudiquement jeté sur d'autres affaires qui mériteraient de plus amples investigations de la part d'une justice peut-être pas « aux ordres » mais qui sait exactement quoi faire et où aller au point de donner l'impression particulièrement désagréable d'être encline à s'intéresser aux parts d'ombre de tel personnalité plutôt qu'à telle autre.
Le malaise est profond et il n'y a donc rien de surprenant à ce que la vedette du moment sur laquelle les éclairagistes braquent un projecteur de poursuite plus qu'insistant trouve à accuser l'Elysée d'être à la manœuvre avec un Cabinet Noir dont l'existence a naturellement été démentie par la présidence de la République, ce qui la rend ainsi d'autant plus plausible . « Une affirmation, un démenti, deux informations », disait P. Lazareff. Il est difficile de reprocher à F. Fillon de s'étonner de la célérité du pouvoir et de ses organes pour être au courant d'informations immédiatement diffusées alors qu'elles devraient être couvertes par un secret de l'instruction, disposition légale piétinée par ceux-là mêmes qui devraient en être les gardiens.
Personne ne le voit, ou plus précisément ne veut sérieusement réaliser qu'un détonateur est désormais activé, à l'oeuvre pour assurer une explosion dont le temps de programmation nous est inconnu mais dont la certitude est en tout cas acquise.
II- Une explosion silencieuse
L'image mise en exergue de ce billet est celle de l'étrange tableau d'un peintre particulièrement mystérieux dont le pseudonyme a semble-t-il été partagé avec trois autres confrères. Le Roi Asa de Juda détruisant les idoles ou Explosion dans une cathédrale, œuvre de François de Nomé, plus connu sous le pseudonyme de Monsù Desiderio, conservée au Fitzwilliam Museum de Cambridge (RU), se rattache à tout un courant pictural d’œuvres énigmatiques et apocalyptiques de la fin du XVIIè siècle mêlant cataclysmes, architectures fantastiques, ruines, toute une symbolique de fin du Monde nourrie d'inspirations multiples (Rome Antique, Ancien Testament, Nouveau Testament, Naples, Venise, Le Caire).
Le tableau considéré montre une explosion survenant dans un édifice monumental (une église, peut-être, un temple, en tout cas). La violence est manifeste, la force en est exceptionnelle, détruisant les colonnes dont les fûts brisés entraînent l'effondrement du bâtiment.L'événement a ceci de surprenant que s'il s'agit bien d'une explosion, celle-ci demeure pourtant une explosion silencieuse, contenue, paralysée a l'instar de ce qui semble se produire actuellement en France. Image osée, pensera-t-on, et pourtant il n'en est rien si l'on considère que la campagne présidentielle sans doute la plus étrange qu'ait connue notre histoire républicaine est bien celle d'une explosion pétrifiée, d'une révolution silencieuse vécue dans un ralenti de faits, de gestes, de paroles que l'on peut imaginer promis à une accélération soudaine -telle la fin d'un ralenti cinématographique- où tout d'un coup le son éclate, assourdissant, suivi d'un immense grondement qui s'amplifie tout en projetant la masse aveugle jusque là retenue des blocs de pierre ravageant tout sur leur passage.
La différence est que nous ne sommes pas au cinéma et que cette élection présidentielle qui est irrémédiablement compromise et ratée risque fort - si elle a lieu – de mettre au pouvoir un dirigeant élu par défaut, mal élu et qui sera paralysé au milieu d'un champ de mines impraticable à toute action gouvernementale.
Que dix millions de téléspectateurs aient cru utile voici quelques jours de consacrer une soirée à suivre un débat entre candidats honteusement sélectionnés comme étant plus crédibles que d'autres traduit l'inquiétude de tout un électorat dont on aime à croire qu'il cherche à se convaincre d'effectuer un choix qui va déterminer sa vie pour les cinq années à venir.
III- Un démineur ?
Il existe pourtant à l'heure actuelle un nouveau venu dans le paysage politique, un candidat qui a su franchir l'obstacle scandaleux des 500 parrainages requis pour solliciter les suffrages de tout l'électorat. Il s'agit de François Asselineau qui présente la caractéristique remarquable par les temps qui courent d'être pénalement et civilement indemne de toutes ces indignités et casseroles judiciaires que traînent certains des concurrents dits « officiels ». Que l'on se donne la peine de lire, étudier et surtout écouter l'intéressé et l'on réalisera aisément que la France tient sans doute là un candidat intègre (une qualité devenue rare), sérieux (il n'est qu'à se reporter à son parcours professionnel d'inspecteur des Finances) dont la trempe intellectuelle (il n'est qu'à le lire et à l'écouter sur des sujets que ses concurrents éludent ou sont incapables de traiter) comme la présence physique sont de nature à incarner pour le moment ce à quoi aspirent les citoyens appelés à voter : un président de la République digne de ce nom et non un rescapé claudiquant ou un freluquet, butte témoin d'une droite dinosaurienne pour l'un ou avatar d'une social-démocratie revisitée pour l'autre, tous deux n'étant que les marionnettes complaisantes d'intérêts économiques et financiers et d'une ploutocratie qui ne considèrent la France que comme une société anonyme où tous les coups sont permis.
Bien sûr, pensera-t-on, François Asselineau n'est pas le seul candidat. On pourra lui opposer tous les rejets comme toutes les objections possibles mais pour autant, me semble-t-il – et je précise ici que je ne le connais pas et ne l'ai jamais rencontré -, il m'apparaît être le seul qui soit en mesure de dévier avec pondération et intelligence l'effet de souffle et d'abattre le son de la gigantesque explosion silencieuse qui traverse actuellement la société française et son expression politique, une explosion qui n'a rien d'imaginaire, dont le processus et l'issue sont inéluctables - et qui détruira à coup sûr les idoles, comme dans le tableau précité. Autant être prêt.L'êtes-vous ?
Le débat est ouvert.
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