Téléthon 2005 : polémiques autour des maladies rares
A la veille du Téléthon 2005, la Fédération des maladies orphelines (FMO) monte au créneau en poussant un coup de gueule, en raison du mépris des instances nationales - que ce soient le Ministère de la santé lui-même ou les services en dépendant comme la Direction générale de la santé, ou la Haute autorité en santé.
Il faut dire que cette association, créée il y a dix ans, et notamment connue pour ses opérations « Nez rouges », a de quoi être en colère. C’est ainsi que le 30 novembre, la FMO a tenu « une conférence de presse pour dénoncer le mépris dont elle est l’objet de la part du Ministère de la santé ». (Cf. article paru dans Le Parisien le 30/11/05)
Elle déplore ainsi le non versement par le Ministère de la santé d’une subvention pour son service d’écoute et d’information téléphonique, qui était prévue dans le plan « maladies rares », annoncé il y a un an. Dans ce plan national « maladies rares », présenté en novembre 2004 par le ministre de la santé de l’époque, Philippe Douste-Blazy, l’axe n°3 prévoyait de soutenir les moyens d’informations sur les maladies orphelines, et notamment deux services d’information téléphonique, dont celui de la FMO. Un financement de 400 000 euros par an sur quatre ans était prévu pour les deux services téléphoniques, dans le cadre du plan national. Or, l’autre service (Maladies rares info service) a reçu son financement de 200 000 euros, et la FMO, qui a créé son service téléphonique en 1998 et a reçu depuis lors 20 000 appels de familles et reçoit désormais 5 000 appels par an, n’a toujours pas reçu le sien.
Il semble que l’on soit face à un imbroglio administratif digne des pires cauchemars de Kafka, ou relevant plus subtilement d’une démarche d’injonctions paradoxales. En effet, une conseillère technique au cabinet du ministre de la santé, contactée par la FMO, aurait ainsi soutenu qu’il n’avait jamais été prévu de financement en la matière, alors même que l’axe n°3 du plan « maladies rares » indique clairement que lesdits services d’information « apportent quotidiennement des informations aux malades et aux professionnels de santé, mais sont encore insuffisamment connus » (p.13) et prévoit plus loin un financement de 400 000 € par an pour les service d’information téléphonique, et cela dès l’année 2005.
Le directeur général de la FMO, Gilles Boustany, dénonce une situation de mépris. Il faut reconnaître que le motif avancé par une conseillère technique de Xavier Bertrand, actuel ministre de la santé, fait référence à un défaut de réponse aux conditions de réponse à un appel d’offres ! Quoi ? Le ministère lance un appel d’offres pour une prestation que cette association doit être une des rares à pouvoir assumer, et qu’elle assume depuis déjà plusieurs années, et trouve le moyen de ne pas lui attribuer le marché ? On croit rêver, le plus triste, ce sont les conséquences pour les malades et leurs familles.
La FMO, qui ne bénéficie pas de l’impact d’une image médiatisée, s’est montrée très virulente dans son dossier de presse contre le ministère. Selon elle, le ministère de la santé est pris en flagrant délit de propagande électorale sur le dos des malades ; après la médiatisation (cf. Techniques hospitalières du mois de novembre, qui consacre un dossier complet au plan national « maladies rares »), la FMO crie au déni ! Après les promesses, la FMO s’insurge contre le mépris ministériel.
De façon plus concrète, des mères d’enfants souffrant de maladie rare ont rappelé toutes les difficultés rencontrées à tous les niveaux : errance diagnostique, difficultés à trouver les spécialistes de ces maladies, quand ils existent, et à coordonner la multiplicité des intervenants professionnels, difficultés d’ordre social, scolaire, et psychologique. Or, c’est justement dans ce domaine de l’aide aux familles que l’action de la FMO se porte.
Ainsi, « Maladies rares info service », en tant que service téléphonique, donne surtout des conseils médicaux, alors que la FMO aide les familles non seulement pour les aspects médicaux, mais aussi pour les problèmes administratifs, d’intégration scolaire et de prise en charge par la sécurité sociale, pour l’accompagnement psychologique, la mise en contact de parents et l’aide à la création d’associations.
Le quotidien du médecin s’est également fait l’écho de « l’impatience » de la FMO.
Au-delà de cette situation financière catastrophique causée par le désengagement du gouvernement, d’autres signes montrent le mépris dans lequel se trouvent enfermées les personnes victimes de maladies rares par le fait de décisions et avis des instances nationales selon une démarche relevant de l’injonction paradoxale.
Ainsi, le plan national « maladies rares » devant être mis en œuvre sur la période 2005-2008, est articulé autour de dix axes stratégiques.
L’axe n°2 édicte le principe suivant : « reconnaître la spécificité des maladies rares » en améliorant leur reconnaissance dans le cadre du dispositif des affections de longue durée (ALD). La Haute autorité de santé, sous tutelle du ministère de la santé, a ainsi été chargée d’expertiser la pertinence de la création d’une ALD « maladies rares ». Or, cette Haute autorité vient justement de rendre son avis, et celui s’avère défavorable. À lire l’argumentaire de la Haute autorité, on comprend que la Fédération des maladies orphelines s’estime victime d’un grave mépris. (cf. article du Monde). « Outre le fait que la fréquence ne saurait définir une maladie, une telle création éclaterait le cadre nosologique (classification des pathologies en fonction de leurs caractères distinctifs, ndlr) actuel des ALD, une telle création serait source de difficultés importantes pour définir les critères d’admission, sans qu’on soit assuré que cela ait un impact positif réel pour les malades » précise la Haute autorité.
Que répondre à cela ? Que le caractère même d’une maladie orpheline ou rare est justement constitué par sa fréquence faible dans la population ? Selon le seuil européen, une maladie est dite « rare » à partir du moment où moins d’une personne sur 2000 en est atteinte.
Cependant, cette faible fréquence ne doit pas cacher, ce que semble avoir ignoré la Haute autorité, que les maladies constituent un enjeu de santé publique que le plan national était censé affirmer. On estime ainsi en France à plus de 3 millions le nombre de patients souffrant de l’une des 7 à 8000 maladies rares. Or, la majorité des professionnels de santé ne connaissent pas suffisamment ces maladies. Cette méconnaissance est à l’origine d’errance, voire d’erreur diagnostique, et donc de souffrance, pour les malades et leur entourage, alors que ces maladies sont le plus souvent graves, chroniques et invalidantes.
Il faut croire que ces trois critères que sont la gravité, la chronicité et l’invalidité ont échappé à l’expertise de la Haute autorité de santé.
On peut donc légitimement, comme le fait la FMO, s’interroger sur la logique qui sous-tend ces deux situations, car il ne faut pas ignorer que tout ceci s’inscrit dans un contexte de polémique autour du Téléthon 2005, avec la mainmise de l’AFM sur cette manifestation de solidarité, censée bénéficier aux maladies rares, selon les propos du Directeur du laboratoire de génétique moléculaire à l’Hôpital de la Timone à Marseille, et chercheur à l’INSERM, Nicolas Levy : « Participer au Téléthon, c’est montrer que l’AFM finance des programmes de recherche qui permettent d’améliorer nos connaissances sur les maladies génétiques rares ... », propos que l’on retrouve sur le site même du Téléthon 2005.
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