Ces invraisemblables midinettes...
"Elles pouvaient m'emmener, me sublimer, ces invraisemblables midinettes, elles n'avaient qu'un geste à faire, un mot à dire, et je passais, à l'instant même et tout entier dans le monde du Rêve." C'est ainsi que Céline évoque la beauté des femmes américaines, divines apparitions qui subjuguent le narrateur de son roman, Ferdinand Bardamu dans "Le voyage au bout de la nuit".
Avec le mot "midinette", on entre dans le monde des apparences : créé à la fin du 19ème siècle, ce terme désignait à l’origine les ouvrières de la mode, qui se contentaient d’un petit repas frugal, une dînette, à midi. Contraction de deux mots, "midi" et "dînette", ce nom comporte un suffixe de diminutif -ette qui suggère une idée de légèreté, de frivolité.
Quel joli mot !
La midinette nous montre, désormais, une jeune fille ou jeune femme naïve et sentimentale qui affecte d’être une dame de qualité. C'est, là, le sens moderne du mot.
La midinette se donne des apparences, elle ne réfléchit guère. Dans le roman de Céline, elle apparaît comme une créature éthérée. On la voit en train de dévorer des yeux les devantures des magasins, "accaparée par l'attrait des sacs, des écharpes, des petites choses de soie, exposées" dans les vitrines.
Quand on parle aujourd'hui de midinette, on se représente une jeune fille fleur bleue, assez naïve et romantique.
Les sonorités redondantes de ce mot, la voyelle "i" répétée, les consonnes dentales "d" et "t" qui se répondent, traduisent bien une forme de légéreté, de naïveté, de simplicité.
La midinette nous amuse, nous fait sourire, sa jeunesse lui donne une sorte d'inconscience, une forme d'élégance sympathique.
Le mot oscille entre tendresse et dérision, le mot hésite entre gentillesse et frivolité.
Bien que ce mot soit moins employé de nos jours, les midinettes existent toujours : romantiques, rêveuses, elles sont attachées à leur apparence, à leurs toilettes, à la mode.
On perçoit bien dans ce terme toute l'innocence de la jeunesse, toute son insouciance.
La midinette nous émeut, nous renvoie à notre enfance, à un monde de rêve, de nonchalance.
Les midinettes dans le roman de Céline ravissent le narrateur, deviennent pour lui des apparitions fugitives, des divinités difficiles à approcher : on perçoit une distance, car Ferdinand Bardamu, simple immigré ne semble pas avoir d'existence pour elles.
Le Dieu Dollar les sépare et on voit toute l'importance de l'argent dans la société américaine des années 30 : ces invraisemblables midinettes ne s'intéressent qu'aux vitrines des magasins où elles admirent des objets de luxe et ne voient même pas les êtres humains qu'elles croisent.
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/article-ces-invraisemblables-midinettes-122525008.html
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