Idées lecture pour les vacances...
Quelques idées de livres à emporter dans vos valises....
Près du corps, Arnaud Guillon
Plon, 140 pages, 13,50€
Un grand-père meurt de sa belle mort, à 90 ans, dans sa villa normande. On pourrait croire ce début de roman banal, il n’en est rien. D’une plume fluide, sensible, Arnaud Guillon décrypte ‘l’après’, le vide laissé par le patriarche, les souvenirs d’enfance qui affluent, les retrouvailles de la famille pour la messe et l’enterrement à venir. Dans ce quatrième roman, Arnaud Guillon (Prix Roger Nimier 2000 pour Ecume Palace, éd. Arlea) explore les rouages de la nostalgie, de la jeunesse qui s’enfuit, sans jamais sombrer dans le pathos. Il nous fait parfois sourire, mais surtout, il nous touche à travers ces petites scènes de la vie de tous les jours, racontées par le prisme d’un quadragénaire. Jacques, encore sonné par la mort de « Daddy », amorce un premier bilan de vie avec une lucidité douce-amère qui sonne juste. Mélancolique et charmant.
Prenez un splendide navire. Un capitaine qui n’aurait pas navigué
depuis un quart de siècle. Un équipage composé d’anciens prisonniers.
Des notables, des civils, qui rêvent d’une nouvelle vie sur un
continent lointain. Des cartes de navigation faussées et une route peu
étudiée. Un naufrage retentissant. Le Titanic ? Non, 100 ans plus tôt :
La Méduse...Catherine Decours nous fait revivre un épisode sombre de la
Restauration, qui inspira à Géricault son plus célèbre tableau. Une
héroïne fictive, la fraîche et têtue Félicité Labonneur, embarque en
juin 1816 sur La Méduse avec son mari. Destination : Saint Louis du
Sénégal. A bord, Félicité croisera le regard d’un jeune lieutenant,
Valmy... Mais il ne s’agit pas d’une simple bluette avec pour toile de
fond un naufrage qui fit couler beaucoup d’encre. Richement documenté,
habilement construit, ce roman dévoile avec minutie les rouages de la
catastrophe. On saura tout du fameux radeau sur lequel 150 passagers
ont voulu s’abriter, et qui dériva pendant une dizaine de jours pour
être retrouvé avec seulement 15 personnes à bord. Folie, meurtres,
anthropophagie : on subodore un scandale étouffé qui sera longtemps
maquillé. En s’appuyant sur une documentation inédite, la romancière
dévoile les véritables assassins du radeau. Le drame de La Méduse est
bien pire que ce qu’on imagine. Catherine Decours avoue avoir souvent
regardé une reproduction du tableau de Géricault pendant qu’elle
rédigeait ce livre. Elle a bien fait. On s’y croirait.
Le lieutenant de la frégate légère de Catherine Decours
Albin Michel, 476 pages, 21,50€
Clémence de Biéville s’est fait connaître dans le monde littéraire avec
des romans noirs au ton lucide, parfois cruel, qui mettent à nu les
desseins cachés de ses héroïnes. Ses deux derniers livres, « L’amour en
grippe » (Grasset 1999) et « La Bonne Aventure » (Grasset 2002) en sont
de parfaites illustrations. On lui a longtemps collé une étiquette à la
Sagan, sans doute à cause d’une légèreté trompeuse et cynique, avant de
la comparer à Mauriac et ses univers familiaux tourmentés. Mais
Clémence de Biéville possède son estampille : une cruauté de velours,
un zeste de violence retenue, mâtiné d’un humour pince-sans-rire qu’on
pourrait qualifier d’anglo-saxon. Ce n’est pas un nouveau roman
psychologique que Clémence de Biéville propose à present, mais un récit
autobiographique d’une centaine de pages. Un tournant décisif dans sa
vie de romancière. Encouragée par son éditeur, la jeune romancière a
finalement sauté le pas. Le résultat est un récit très personnel sur
son enfance, son adolescence, marquées par la mort précoce de ses
parents, décédés tous deux de longues maladies. Un sujet triste,
certes, mais rien de sinistre dans ce livre extraordinairement
émouvant, que Clémence de Biéville considère comme « son premier livre
d’amour. » Au fil des pages, ses parents revivent : un père cultivé,
conventionnel, très attaché à la transmission du nom, des objets, des
tableaux ; une mère fantaisiste, distraite, rêveuse, capable de se
déguiser en fée ou en ivrogne pour mystifier ses deux fillettes. Mais
ce qui d’autant plus touchant et audacieux dans ce livre, c’est comment
l’auteur rend hommage à ses parents, tout en renonçant avec délicatesse
et force à ce qu’ils lui ont donné. Cette obsession de la transmission,
de parler anglais parfaitement, de ne pas se laisser aller à de fautes
de grammaire, de connaître ses ancêtres par cœur, de faire un beau
mariage, de tout léguer à son tour à un enfant, Clémence de Biéville ne
« prendra pas la suite », comme elle le dit à la fin de son livre. A
elle désormais de poursuivre son propre chemin, sans cet héritage moral
dont elle se sentait prisonnière, mais sans jamais cesser d’aimer et de
respecter ses « chers fantômes ».
L’Armée rouge au fond du jardin de Clémence de Biéville, 124 pages, 11 euros
Grasset
Françoise Hamel avoue un penchant gourmand pour le XVII° siècle, son
contraste entre les fastes du théâtre à l’italienne et les turpitudes
de la Cour, ses coutumes, ses mystères. Et surtout, ses femmes. Des
femmes de caractère, des femmes originales, marginales, qui ont marqué
leur époque à jamais. Après s’être inspirée des riches vies de Ninon de
Lenclos, la marquise de Sévigné, puis de Catherine Monvoisin,
l’empoisonneuse du Grand Siècle, Françoise Hamel nous présente dans ce
dernier roman une aristocrate de l’ombre, Madame Palatine,
Elisabeth-Charlotte de Bavière, belle-sœur du Roi Soleil. Alternant son
récit de la première à la troisième personne, Françoise Hamel nous
entraîne dans l’intimité d’un mariage étrange et dans les coulisses de
la Cour, en passant par Paris, Versailles et Saint-Cloud. La voilà dans
la peau d’une femme au destin forcé : La princesse a dû se convertir au
catholicisme pour épouser de force un prince qu’elle n’avait jamais vu,
et quitter son Allemagne natale, véritable déchirement pour elle. Son
mariage devient rapidement bancal. « Liselotte » se retrouve l’épouse
d’un homme trop parfumé, dominé par son roi de frère et qui de surcroît
préfère la compagnie masculine à celle de sa femme. Madame se
rapprochera de son beau-frère royal, « le Grand Homme » d’un mètre 62,
avec qui elle tissera un temps une belle complicité. Ingrate, trop
grosse, la princesse brille pourtant par son esprit et son
intelligence. Ses lettres le prouvent et la plume truculente de
Françoise Hamel le souligne. Pour chaque roman, l’auteur se documente
avec ardeur et lit sans relâche les ouvrages de l’époque : Molière,
Mesdames de Sévigné, de Lafayette, l’abbé de Choisy. Madame Palatine a
laissé près de 60 000 lettres, dont 1000 seulement subsistent, et
Françoise Hamel s’y est longuement plongée pour s’inspirer du ton et de
la personnalité de son héroïne, à la fois intellectuelle et cocasse. «
Fille de France » possède une grande qualité littéraire, car Françoise
Hamel a su s’imprégner de la langue de Molière, des tournures de
l’époque, de tout un vocabulaire chatoyant, à la fois vieillot et
détonnant, qui captive et parfois surprend le lecteur. Il ne s’agit pas
ici d’une biographie traditionnelle, mais d’un roman intimiste qui
dévoile les secrets d’une princesse méconnue qui n’a cessé tout au long
de sa vie d’entretenir un regard lucide, impertinent, imprégné de
drôlerie envers son entourage, mais surtout envers elle-même. Françoise
Hamel n’a pris aucune liberté avec les dates, les lieux, les faits. Un
demi-siècle à la Cour défile dans ces pages hautes en couleur, avec à
la clef, le portrait émouvant et drôle d’une fille de France pas comme
les autres, injustement boudée des historiens.
Fille de France de Françoise Hamel, 305 pages, 19 euros
Plon
Prenez un quinquagénaire qui se retrouve inexplicablement plongé dans
le Paris de son enfance, en 1953. D’abord incrédule, persuadé d’être la
victime d’hallucinations, notre héros tentera par la suite de tirer
profit de sa situation, car il connaît tous les grands événements
mondiaux à venir. Mais il se rendra rapidement compte que cette
supériorité ne lui servira à rien dans un monde totalement différent,
désormais balayé, que Patrick Rambaud ressuscite avec allégresse dans
ce dernier roman « L’idiot du village. » Celui qui se voit comme un «
metteur en scène du passé » a réussi une fable moderne convaincante à
la fois tendre et féroce, sans une once de surnaturel. La diversité n’a
jamais fait peur à Patrick Rambaud, personnage étonnant et inclassable
du monde des lettres. Journaliste, biographe, co-fondateur du magazine
Actuel avec Jean-François Bizot en 1970, il est aussi l’auteur de
plusieurs parodies savoureuses avec son complice Michel-Antoine
Burnier. Il ne s’est également jamais caché d’écrire dans l’ombre en
tant que nègre, (il préfère cependant le mot anglais de ‘ghost-writer’)
pour mettre en mots les souvenirs d’espions, d’actrices, de ministres,
de chirurgiens. Patrick Rambaud a calculé qu’en 35 ans de carrière, il
a pondu plus de 100 000 pages en tant qu’auteur, journaliste ou
écrivain fantôme. Le Goncourt lui est « tombé dessus » à 50 ans, pour
son roman napoléonien « La bataille », (Grasset) doublé du prix de
l’Académie Française, fait plutôt rare. Récompenses auxquelles il ne
s’attendait pas, mais dont les fruits lui ont permis de faire réparer
ses lunettes et d’acheter une maison à Trouville. Ont suivi dans la
foulée deux autres romans remarquables sur les défaites de Napoléon
Bonaparte : « Il neigeait » et « L’absent », tous deux couronnés de
succès. (Grasset).
L’idiot du village de Patrick Rambaud, 196 pages, 16 euros
Grasset
L’incorrigible Jean Dutourd, chroniqueur de France Soir, du Figaro,
l’écrivain irrévérencieux qui a fait les beaux jours des Grosses Têtes
grâce à une repartie audacieuse, nous revient avec un roman aussi
étrange qu’original. Le titre à lui seul annonce la couleur : « Journal
Intime d’un mort ». Du pur Dutourd. L’académicien s’était récemment
penché sur son passé, en ressuscitant avec habileté le garçonnet qu’il
fût dans les années 20. Jeannot, Mémoires d’un enfant, (Plon, 2000)
n’était pas à proprement dire une biographie, mais un savoureux retour
en arrière vers une époque révolue amèrement regrettée par l’auteur.
Jean Dutourd avoue volontiers son « horreur du progrès » et aime à
clamer avec une certaine provocation : « En arrière toute ! », cri de
guerre du fameux Club des Ronchons dont il fait partie. Il avoue de
surcroît une passion pour le temps de Louis XV et son désir « pour un
retour inconditionnel à cette merveilleuse époque. » C’est donc
d’autant plus surprenant que dans ce nouveau livre, Jean Dutourd ne
soit plus ensorcelé par les vertiges du passé, mais plutôt par ceux du
futur. Son héros, Olivier, sexagénaire, trépassé, se trouve dans un
drôle d’état. Ni fantôme, ni spectre, mais plutôt « esprit désincarné
», le voilà qui erre dans les limbes de son ancienne vie, dans un lieu
indéterminé qu’il imagine être le Purgatoire : « une salle d’attente où
il n’y a pas de magazines pour faire patienter le client ». Il va
pouvoir constater ce que devient sa veuve, ses amis, et il va surtout
croiser un étonnant personnage, Hadamas, sorte de Vendredi
méphistophélique avec qui il va âprement deviser dans l’au-delà.
Olivier confessera vers la fin du livre : « Rien de tel, en vérité, que
d’être mort pour faire sur soi des découvertes capitales ! » Un roman à
la fois grave et drôle, sombre et léger, qu’on lit en riant, mais jaune
parfois. Un philosophique pied de nez à la mort de la part du
franc-tireur le plus espiègle des lettres françaises.
Journal Intime d’un mort de Jean Dutourd, Plon, 148 pages, 16 euros
Pour écrire une biographie, Geneviève Moll passe beaucoup de temps à
lire. Des livres, des récits, des lettres, avec l’aide d’un fidèle
rabatteur qui déniche tout pour elle au marché George Brassens.
Ensuite, vérification des faits en rencontrant les gens, en les
interviewant. Exercice d’écriture qu’elle avait déjà entrepris pour son
« François Mitterrand, le roman de sa vie » (Editions Sand, 1995). Même
manœuvre pour Yvonne de Gaulle, en 1999. Il y a 5 ans, Geneviève Moll
retrouve le chemin de la biographie avec Sagan. Après avoir sortie «
Tante Yvonne » de l’ombre, Geneviève Moll ressuscite pour nous Sagan,
écrivain de lumière qui s’est brûlé les ailes. Un portait talentueux
qui n’est jamais complaisant.
Madame Sagan, A tombeau ouvert, 400 pages, 20 euros
Ramsay
Un époux macho et volage déclare une nuit à sa femme qu’il va « tout
foutre en l’air » malgré leur quinze ans de mariage, pour vivre « à
fond » une aventure. Sonnée, Lara encaisse comme elle peut. La douleur
est vive, mais pour ses deux fillettes, elle doit tenir le coup. Une
fois le KO passé, Lara tente de décortiquer d’où vient cette
souffrance. Peur de la solitude ? Amour agonisant ou déjà mort ?
Orgueil blessé ? Fin de l’engourdissement engendré par le quotidien ?
Valérie McGarry a réussi le roman-récit intime et lucide d’une
renaissance féminine, d’une épouse humiliée qui passe son mariage au
peigne fin et voit se profiler un surprenant constat. Voilà un petit
livre tout mince, à dévorer en quelques heures, mais vous verrez, il
laissera au fond de vous sa trace teintée d’optimisme et d’humour. Oui,
il y a de l’espoir après un divorce. Surtout l’espoir de devenir enfin
soi même !
Seule dans mon grand lit blanc de Valérie McGarry
Lattès, 126 pages, 11€
Sarah, la quarantaine, se remet d’une déception sentimentale et d’un
revers professionnel. Une amie proche lui prête les clefs de sa villa
Belle Epoque, dans les hauteurs d’Arcachon. Elle s’y rend, seule, pour
se changer les idées. La maison fantasque et son décor invraisemblable
la fascine. Sarah entame des recherches : qui a vécu, vibré, aimé ici ?
Mais en sondant la mémoire des murs, c’est un autre passé qui lui
revient : le sien, imprégné de blessures enfouies.
Un roman envoûtant sur le poids du passé et les secrets des vieilles maisons.
La Ville d’Hiver de Dominique Bona
Grasset, 324 pages, 18€
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