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L’intellectuel algérien exilé

Et en effet il faut avoir le culot de regarder ne serait-ce qu’un laps de temps à travers le prisme de l’étranger. L’étranger qui, souffrant lui-même des regards décalés, s’abandonne sans résistance à ses primitives allégeances. Donc au refus du partage. La tête pleine de mauvais présages. Et tout ouïe aux recommandations funestement nostalgiques d’une certaine pureté – ancestrale, il est vrai. Elle aurait existé, celle-ci.

Ayant entendu quelque part discuter d'un thème qui m'a donné beaucoup à penser, j'ai commis ce texte sévère et sérieux, mais non sans un peu de mon humeur. Je serais bien prétentieux si je disais m'être beaucoup occupé de l'objectivité. Plus préoccupé en tout cas de sens et de bon sens : je suis resté ; 

L’INTELLECTUEL ALGERIEN EXILE

 

Orient/Occident

Le prix à payer

 

 Il serait cet être écartelé entre l’Orient et l’Occident. Ou perdu pour son pays qui aurait été renié, trahi, diffamé, déclassé par lui. Encore faudrait-il en réalité s’interroger sur qui trahi l’autre. Qui envoie l’autre sur les routes de l’exil avec pour seul viatique un courage écorné, un espoir brisé, une volonté de survie on ne peut plus difficile à décider…

 Chose plus ou moins vraie quant aux griefs de ceux qui ratent toujours un train et restent pour être du nombre des « intègres ». Et qui n’en feront jamais partie. Parce que leur rôle est de glorifier la bêtise et saluer un pays dont il ne reste rien de son patrimoine. Pillé à force de génuflexions et d’applaudissements sans effets que néfastes sur le bonheur du peuple vaincu et résigné de tant se réveiller sur des matins estropiés qu’on ne soignera jamais que par des « inchallah » à tout bout de champ.

 Certes belles et bienfaisantes formules de notre tradition mais qui, dans la bouche de beaucoup, n’est souvent pas sincère. Comme si Allah avait à voir le moins possible avec les impérities des hommes. Je dis « hommes » parce que les femmes marginalisées seront moins à la barre des accusée – sincèrement. Et parce qu’on doit toujours faire attention à ne pas essentialiser. Lui donc, l’intellectuel, assis entre deux chaises. Oui, évidemment, cette thèse qui a de quoi tenir mérite qu’on s’y arrête. Mais sans lui accorder le privilège d’être des plus soutenables. Et là-dessus une explication serait peut-être la bienvenue.

  Ecartelé, lui, donc, si l’on pensait dans le sens d’une possible confrontation entre ces deux mondes. Tiraillé d’un côté et de l’autre. Pour ne pas dire entre deux cultures. Savoir : modernité et tradition. Nouveau et ancien. Marasme et développement. Cela qui, du coup, signifiait malaise, souffrance… pour certains. Plutôt bénédiction, richesse, développement spirituel pour d’autres.

 De fait, on voit là un monde selon ce que celui-ci serait valorisant ou au contraire dégradant et avilissant. Donc déjà, dans le seul Orient, l’on n’est guère concordant. Guère conciliants. Ah la fameuse « Les Arabes se sont entendus pour ne jamais s’entendre » ! Il y a deux pôles opposés. Classique comme dans tous les blocs ! Et un pôle intermédiaire. Peut-être, celui qui mériterait le plus d’égards. Celui de la « part des choses », du réalisme et de la franchise. Celui-là même dont on salue l’esprit d’autocritique et de remise en question de soi. Gage de sincérité et de possible émancipation.

 Bien sûr, il y aurait encore toujours présents des gens pressés. Mais bien pressés à jeter la première pierre. A s’invectiver, à tant se lancer des pierres qu’on viderait toute une rivière. De cailloux, il va sans dire. Et c’est compter des mots blessants tirés à bout portant sur les ombres allongées des soirs gisants, sans perspectives aucunes que celles des lendemains. Ombres tout de même qu’ils voyaient menaçantes de l’identité. Laquelle vient d’office à l’esprit quand tout fait problème. Et que l’identité reste souvent sinon l’occasion de surenchérir à l’égard d’autrui, du moins un frein à avancer et évoluer.

 Rien ne féconde vraiment quand ce qui naît en Orient se meurt en Occident, comme on dirait en réalité, à cause de ses rois, de ses princes, de ses dirigeants, de ses dictateurs et de leurs horreurs ne donnent naissance qu’à des mort-nés. Qu’à des zombies pas prêts à quitter ce monde et faisant de leur mieux pour dominer et grossir leur camp de cannibales insatiables. C’est cette image qui nous vient à l’esprit quand on évoque notre pays vampirisé.  

 On y verrait même – si l’on reprenait la fameuse expression de « butin de guerre » – à la fois une victoire sur l’autre et une possibilité d’être de le représenter. Kateb Yassine en serait celui qui reprenait à loisir cette idée – revancharde sur les bords. Gageons que c’est là une thèse du refus de soumission. En effet pas forcément d’un rejet de l’autre. « Entre les deux rives » se trouve l’Algérien. Donc géographiquement et spirituellement. Voire « à cheval » sur deux cultures. Non celle où l’on se contente d’être « assis entre deux chaises ». Que l’on soit de l’Orient ou de l’Occident, on peut dire qu’il y a blocage à se dépasser.

 Et en effet il faut avoir le culot de regarder ne serait-ce qu’un laps de temps à travers le prisme de l’étranger. L’étranger qui, souffrant lui-même des regards décalés, s’abandonne sans résistance à ses primitives allégeances. Donc au refus du partage. La tête pleine de mauvais présages. Et tout ouïe aux recommandations funestement nostalgiques d’une certaine pureté – ancestrale, il est vrai. Elle aurait existé, celle-ci. Mais, en réalité, elle remontait d’à côté. A en douter en fait de ce qu’il dit. Cela venait avec les émanations d’un vieux cloaque. Rempli de démons. Sages le jour. Et diaboliques la nuit. C’était là leur tactique. On se la joue modérés. Tolérants. Pour être tolérés. En fait, ils auraient décidé depuis belle lurette de ne donner raison qu’à ceux de leur clan. En découdre avec le mal est certes bien, mais qui peut dire si ce mal n’est pas celui qu’ils aiment infliger à l’autre. L’Enfer est pavé de bonnes

   Bref, soyons réalistes. Justice à deux vitesses. L’on est tous la peste et la rage aux yeux de l’autre.    

 Cela tient de l’enseignement de la tradition forcément subjective, partiale ou même très hostile. Ce sont ceux qui se disent les plus pieux que nous retrouvons toujours dans les tranchées d’en face prêt à tirer et à tuer : oublieux de la parole divine à laquelle on réfère à tous propos. Impérative d’ailleurs et sans ambiguïté – à savoir : « nulle contrainte en religion ». Mais, évidemment, pour faire la guerre il faut être deux. Et être deux pour faire la paix. C’est au beau milieu des dialogues de sourds que surviennent les guerres. Rappelez-vous les tapages médiatiques. Il y va de chauffer les tambours de guerre aux moments de grandes écoutes sur les plateaux de télévisions.

 Qu’en est-il aujourd’hui où la parole pourrait traverser des océans entiers et arriver aux confins de l’univers ? La vérité de nos véritables attitudes restera toujours cachée. On parlera de paix, de tolérance et de sagesse mais pour déblayer devant la perfidie et lui préparer le terrain. Nous sommes à l’ère des faux-semblants, de la facilité, des raccourcis, et l’emporte-pièce. D’autres évoqueront, d’ailleurs à raison le « massacre à la tronçonneuse ». A chacun des deux mondes ses fanatiques qui puiseront leurs raisons dans leurs terreaux fertiles et en effet bien entretenus pour la circonstance de rejet ou de mégalomanie sinon de race du moins d’un courant de pensées dites plus patentes.

 Nous sommes ici dans la posture tendancieuse la plus suivie. Qui, bien que cela paraisse évident, on n’en passe moins à côté de sa réalité sans la frôler. Sans l’appréhender ni du regard qu’on a pourtant inquisiteur, ni de la conscience certes avachie et dormant sur ses vieux lauriers. Que l’on soit d’une rive ou d’une autre, l’on est résolu à n’être au monde que pour le débarrasser des « intrus » : exilés en exil ou exilés revenu dans son pays d’un long exil.

 Ces gens qui ont choisi de s’exiler partent le cœur brisé et malade de tant de scrupules ingérables et souffrant d’un arrachement violent : quelque chose de profond et primordial de l’être et de l’âme, qu’on ne voit pas mais qui existe « retient de toutes ses forces » le candidat à l’exil (contrairement à ce que peuvent penser certains). Cela dit il faut comprendre qu’il y a à chaque rupture avec l’ancien un saignement et un commencement de cicatrisation de la blessure qui n’est d’autre qu’un travail sur soi d’adaptation avec le nouveau monde d’élection et ses « agressions » ou « les malheurs » dont certains exils seraient porteurs.

 Aborder le thème de l’intellectuel en exil, de surcroit algérien, c’est se retrouver aussitôt dans une forêt dense d’images, de symboles, de métaphores, de paraboles… Et si cela est significatif de quelque chose, on peut l’imputer à la complexité du sujet et aux approches pluridisciplinaires qui s’invitent pour son élucidation. Autant dire en effet, les expériences, les bonnes volontés et les intelligences qui se sont proposées et prêtées afin d’en élucider les mystères. Ainsi du langage empruntant ses mots à tous les domaines. Que dire de l’écartèlement qu’on retrouve dans divers domaines. Termes connotés à plus d’un titre tels : tiraillement, arrachement. Mais c’est sans oublier ceux de reniement, rupture, trahison, déni de soi, glorification de l’autre, aliénation…longue liste, vous en conviendrez. Mais terminons en citant J. Lacan pour lequel c’est toujours dans un autre, plus avancé, qu’on se voit. Ce qui met l’accent sur le risque à courir de dépendance et de déchirement. Et là, heureusement, on sort vraiment du cercle étriqué et nauséabond de la médisance.

Mohammed-salah ZELICHE

12/05/2024

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2 réactions à cet article    


  • La Bête du Gévaudan 16 mai 12:59

    la déception des indépendances provient d’une lecture erronée (socialiste) des réalités : ce n’est pas le pillage mais la vertu (liberté, labeur, épargne) qui a fait la prospérité des Occidentaux. Sans quoi, nombre de régimes despotiques pré-coloniaux, dont la Régence d’Alger, eussent été des économies développées. 

    L’accaparement de l’or a fait rater à l’Espagne et au Portugal la révolution industrielle. Alors que la Hollande, la Suisse ou la Suède ont prospéré par l’industrie. La nécessité des ersatz a été un puissant stimulant de industrie allemande. Il en est de même à l’échelle du monde. Si « les ressources » faisaient la richesse, alors l’Arabie, l’Afrique et la Sibérie seraient des économies avancées. Qu’ont apporté Gengis Khan et la Horde d’Or ou Mansa Mousa et l’empire du Mali à leurs peuples ? De même la rente monétaire actuelle est en train de détruire l’Occident.

    Les pays du tiersmonde, tournés vers un passé mythifié, flattés par les démagogues socialistes, sont comme ces aristocrates nostalgiques du passé féodal quand une France agraire de 15 millions d’habitants labourait avec des bœufs. Les Algériens regrettent-ils quand ils vivaient « dans la pureté de l’islam », 1 million d’habitants sous la férule ottomane d’un Dey, vivant de piraterie et de trafic d’esclaves, et un arrière-pays à l’agriculture embryonnaire et ployé sous le paludisme ? 

    Les Gaulois, redevenus maîtres d’eux-mêmes, ont eu la sagesse de faire fructifier ce qu’ils avaient appris des Romains et non de revenir aux druides. « La vérité vous rendra libres ».


    • Mohammed-Salah ZELICHE Mohammed-Salah ZELICHE 27 mai 14:20

      @La Bête du Gévaudan
      C’est vraiment incroyable d’être encore de nos jours un défenseur impénitent du colonialisme. En effet, malgré toutes les connaissances dont dispose la recherche, on continue à pardonner l’impardonnable. Malgré toutes les malfaisances dont rendent compte l’histoire et les hommes. A ce point impardonnables qu’elles se révélaient implacables, impitoyables, inhumaines. Ah s’il n’y avait que le pillage des richesses ! Certes, même les révolutionnaires conviennent qu’aujourd’hui les malheurs et les horreurs des pays issus de la décolonisation n’incombent pas aux seuls colonisateurs. Mais pour autant ce n’étaient là guère pour les réhabilitent. En quittant leurs colonies les Maîtres des lieux laissèrent au moins deux grands torts : les tares et les avatars. Les tares sont les pires pratiques qu’ils apprirent à leurs larbins autochtones (les avatars) qui ont continué le schéma de la spoliation et du pillage éhontés d’ailleurs surmonté de ce mépris nauséabond des puissants à l’égard des foules et des masses restées des victimes éternelles, les éplorés de toujours qu’on voit remplir les rues et les places publiques en temps des printemps arabes échoués, qu’on reverra certainement encore puisque les vieilles habitudes héritées du colonialisme et du féodalisme ancestral sont perpétuées et mènent la vie dure aux pauvres peuples. Lesquels n’en peuvent plus de passer d’un colonialisme à l’autre. Ne venez surtout pas me dire que le colonialisme n’a rien à voir avec l’incurie, la barbarie, les capharnaüms d’aujourd’hui. Le ver est dans le fruit. Et les indépendances n’ont été qu’une continuité tout aussi blâmable et ravageuse que la mal des mentalités héritées des convoitises et des mains basses sur les patrimoines.   

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