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Accueil du site > Culture & Loisirs > Le clavier compulsif
#92 des Tendances

Le clavier compulsif

 

L'écrit vain.

 

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Je vous prie de bien vouloir pardonner cette pénible assuétude qui me pousse chaque jour, depuis près de quinze ans à glisser un titre en haut d'un écran, espérant alors qu'une suite naîtra de cet appel à la prose. C'est ainsi qu'il suffit de ce bien peu pour que des mots s'enchaînent, tentant de former des phrases en une écriture presque automatique qui n'aurait pas déplu à André Breton.

Je sens bien poindre la terrible concurrence de l'intelligence artificielle qui entend me condamner à l'inaction, se donnant l'ambition de me clouer le bec afin de laisser la place à une sorte de compilation universelle des plumes fines gâchettes de la cartouche d'encre. Même si mes mots ne valent pas ceux qui figurent désormais au Panthéon des algorithmes, laissez-moi l'illusion de préférer les miens à tous ceux des autres.

Non pas que je prétende, contrairement à ce que prétend ma gargouille préférée, être à leur hauteur et vouloir tutoyer les anges et les vieux démons, mais plus humblement, qu'il y va de la seule expression qui me convienne. Qu'importe si les résultats ne sont pas au niveau des possibilités offertes par le pouvoir numérique triomphant, mon clavier, en dépit d'une souris un peu folle, n'en fait pas tout à fait à sa guise.

Je laisse aller mes doigts, faisant ainsi preuve de la rare activité manuelle qui me soit accessible même si je n'utilise pas tous les doigts des deux mains. Je laisse de côté l'index pour que la censure ne vienne pas sournoisement s'insinuer ici tandis que je mets rarement les pouces à contribution, histoire là encore de ne pas renoncer à ce bonheur ineffable.

Je joue des associations d'idées pour de saut de puce en saut de puce, passer d'un petit paragraphe à l'autre en donnant l'illusion d'une cohérence pensée d'avance. Ne vous y trompez pas, tout cela est le fruit du hasard, du télescopage d'idées, des champs lexicaux qui font pousser parfois des mauvais verbes. Je ne m'interdis rien puisqu'un mot entraîne l'autre en tentant vainement de s'accrocher à la syntaxe.

Le clavier a ses limites, il entend ne pas déborder du cadre fixé tandis que la police veille à ne pas dépasser le corps 12 pour maintenir la manifestation dans le cadre strict et rigoureux d'une page. S'il y a exception, c'est pour les contes qui recherchent le recto-verso pour se donner bonne figure. Des caprices de pythagoriciens diront les rares érudits qui savent encore de quoi il retourne.

La forme permet de tenir le cap. C'est là prudence d'écrivaillon qui ne sait pas où le mène une navigation qui fait fi du moindre plan. Une sorte d'errance à la carte, la tête dans les étoiles sans prendre soin de surveiller l'écran. C'est ainsi que comme le pèlerin du petit matin, je traîne mon lot de coquilles et de fautes sans même les percevoir.

L'essentiel est ailleurs. Une forme de drogue inoffensive qui m'assure, en dépit des apparences souvent en ma défaveur, un relatif équilibre mental. Je sais que beaucoup en doutent, laissez-moi au moins cette illusion. Si virus il y a, il ne détruit pas pour l'heure mes connections cérébrales même s'il peut expliquer cette souris qui n'en fait qu'à sa tête, sautant d'une page à l'autre ou balayant un écran pour m'en imposer un autre.

C'est sans nul doute un message subliminal m'avertissant que tôt ou tard, il conviendra de tourner la page et d'offrir au néant cette vaine collection d'écrits aussi vains les uns que les autres. Il sera temps alors de tout détruire afin qu'il ne reste rien de cette hystérie scripturale que certains me font l'honneur de parcourir de temps à autre.

Pour l'heure, le point fatal n'est pas encore de mise tandis que demain produira son nouveau billet et que celui-ci s'achève, comme il convient, par trois points de suspension, faute d'avoir anticipé une chute...


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29 réactions à cet article    


  • ZenZoe ZenZoe 17 mai 13:55

    Ah, j’ai cru que c’était un article sur Rosemar !

    Au moins, vous, vous écrivez bien et vous êtes divertissant, ce qui n’est pas le cas de votre consoeur (quant à moi, je suis une langue de vipère si ça vous intéresse).


    • Gollum Gollum 17 mai 14:05

      @ZenZoe

      je suis une langue de vipère si ça vous intéresse

      On pourrait s’entendre j’ai une très mauvaise réputation aussi : https://www.agoravox.tv/auteur/gollum

       smiley


    • Sirius Sirius 17 mai 14:13

      @ZenZoe

      c’est peut-être pire qu’un serpent à sornettes


    • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 17 mai 14:20

      @ZenZoe
       
       On dit ’’faute avouée faute pardonnée’’.
      Il n’en va pas de même pour ce qui concerne les vices. A fortiori quand on s’en glorifie, suivez mon regard.


    • Seth 17 mai 15:04

      @ZenZoe

      je suis une langue de vipère

      Chez nous on dit une LDP. A toi de traduire. smiley


    • Seth 17 mai 15:07

      @Gollum

      j’ai une très mauvaise réputation aussi

      Ben avec un nom pareil, c’est normal, my precioussss.... smiley


    • Seth 17 mai 15:09

      @Gollum

      Il n’en va pas de même pour ce qui concerne les vices

      Et pourquoi pas ? Tu confesses, contrition, 2 ou 3 prières et tu peux recommencer. Plus tard t’auras qu’à revenir au confessionnal, etc, etc... smiley


    • Seth 17 mai 15:15

      @Francis, agnotologue

      Ca s’adresse à Francis et non Gollum.


    • Gollum Gollum 17 mai 15:23

      @Seth

      Pas ma faute... smiley C’est le Présssieux qui me rend mauvais... Sniff... J’ai bon fond dans le fond. smiley


    • Gollum Gollum 17 mai 15:29

      @Seth

      Ben avec un nom pareil, c’est normal, my precioussss.... 

      Nan mais l’autre hé ! Tu t’appelles bien Seth le dieu du mal en Égypte ancienne non ? Sans blague ? smiley


    • Seth 17 mai 15:45

      @Gollum

      Ouais peut être mais je suis sur la barque et toutes les nuits je trucide Apophis et je permets au soleil de se lever, bisque bisque rage... smiley

      Bon d’accord, j’ai un peu violé Horus et un peu tué Osiris mais nul n’est parfait, n’est-ce pas ? smiley


    • Gollum Gollum 17 mai 16:52

      @Seth

      J’veux surtout pas connaitre ta vie privée, s’pèce de gros pervers.. smiley


    • ZenZoe ZenZoe 17 mai 18:55

      eh ben !!!


    • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 08:38

      @ZenZoe

      Je n’ai pas l’insulte naturelle
      Je préfère la douce ironie ou la perfidie

      tout en trempant ma plume dans le venin


    • ilias 17 mai 19:54

      Je vous lis avec une attention particulière mêlée de respect silencieux pour cet élan quotidien qui vous pousse à la création, malgré l’ombre imposante de l’intelligence artificielle. Votre texte, riche et fluide, nous entraîne dans les méandres de la réflexion humaine sur et autour de la vie quotidienne ; une errance contrôlée qui, sous des apparences de spontanéité, révèle une profonde réflexion sur la nature même de l’écriture et de l’acte créatif.

      La crainte que vous exprimez face à l’intelligence artificielle est compréhensible. Ces algorithmes puissants, capables de générer des textes d’une cohérence et d’une pertinence parfois surprenantes, semblent menacer le rôle des créateurs et des artistes, manieurs de mots et pilotes dans les sinueuses et inattendues bifurcations des langues. Pourtant, je vous invite à voir cette situation sous un autre angle. L’intelligence artificielle, dans sa capacité à produire, reste fondamentalement limitée par son absence d’expérience humaine, de cette sensibilité unique que vous, écrivains, poètes et penseurs, apportez à chaque mot, chaque phrase.

      Votre prose, marquée par une certaine mélancolie et un attachement profond à l’art de l’écriture, est l’expression d’une humanité que l’IA ne peut que simuler. Les algorithmes peuvent analyser des millions de textes, extraire des schémas, mais ils ne ressentent pas. Ils n’ont pas cette « assuétude » à la création quotidienne, cette lutte contre la page blanche, cette quête d’une forme d’existence par les mots.

      Le texte que vous écrivez, même s’il semble décousu par moments, est le reflet de votre propre cheminement intérieur, de vos propres associations d’idées, parfois erratiques, parfois lumineuses. La beauté de votre écriture réside justement dans cette imperfection, dans cette humanité qui transpire de chaque ligne. Vos coquilles, vos fautes, loin d’être des défauts, sont les marques de votre authenticité, de votre lutte contre une perfection froide et inhumaine.

      La technologie, en dépit de ses avancées, ne peut pas vous ôter cette singularité. Vos écrits ne sont pas vains. Ils sont le témoignage d’une époque, d’une sensibilité, d’une réflexion personnelle qui, même perdue dans l’immensité numérique, garde sa valeur. La page tournée ne signifie pas la fin, mais la continuité d’un dialogue, d’une introspection qui, comme vous le dites si bien, trouve son essence dans l’acte même de l’écriture, dans ce besoin irrépressible de s’exprimer.

      Vous évoquez André Breton et son écriture automatique, une référence à la libération de l’inconscient. Votre propre démarche, bien que consciente et structurée, semble s’inscrire dans cette tradition de l’exploration intérieure. Il y a quelque chose de profondément humain dans cette lutte quotidienne, dans ce refus de se laisser dicter par des normes, des attentes, des algorithmes.

      Continuez à écrire, à laisser vos doigts courir sur le clavier, à naviguer sans plan. Chaque mot, chaque phrase est une victoire contre l’oubli, une affirmation de votre existence. L’intelligence artificielle, malgré son pouvoir, ne pourra jamais remplacer cette expérience humaine unique, cette poésie de l’errance, cette beauté du hasard (paradoxalement) « maîtrisé ».


      • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 08:39

        @ilias

        Quelle générosité dans le commentaire et quelle profondeur dans la réflexion
        Merci à vous

        Vos propos sont d’une extrême justesse


      • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 18 mai 09:54

        @C’est Nabum
        @ilia
         
        +++ pour vous deux ici.
         
        Je me permets d’intervenir pour rebondir sur ça  : ’’Chaque mot, chaque phrase est une victoire contre l’oubli, une affirmation de votre existence. L’intelligence artificielle, malgré son pouvoir, ne pourra jamais remplacer cette expérience humaine unique, cette poésie de l’errance, cette beauté du hasard (paradoxalement) « maîtrisé ». ’’
          >
        L’oubli est la face cachée de la perle. C’est notre avantage sur les IA.
         
         


      • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 10:39

        @Francis, agnotologue

        Nous mènerons le combat jusqu’à ce qu’ils nous exterminent


      • Jean Keim Jean Keim 18 mai 08:16

        Une question sans aucune arrière pensée me vient à l’esprit : lisez-vous parfois, de temps en temps ou rarement la prose des autres ?


        • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 08:41

          @Jean Keim

          J’avoue manquer de temps
          Entre les enregistrements, l’écriture, les spectacles

          Je lis tous les commentaires aussi ce qui ajoute à cette couse folle du temps

          Désolé


        • eau-mission eau-mission 18 mai 11:56

          Je ne vois pas ce que fait la souris dans cette histoire. Vous pouvez la déconnecter moyennant l’apprentissage de quelques raccourcis clavier. Je ne parle pas des souris au second degré, sans lesquelles c’est nous qui serions déconnectés.


          • C'est Nabum C’est Nabum 18 mai 19:08

            @eau-mission

            J’aime les souris
            Laissez moi ronger mon frein


          • sylviadandrieux 19 mai 23:25

            Et surtout ne pas oublier d’enregistrer le texte sinon il s’envole


            • C'est Nabum C’est Nabum 20 mai 07:02

              @sylviadandrieux

              Le risque est grand qu’ils connaîtront tous un grand trou d’air puis le vide


            • juluch juluch 20 mai 12:33

              perso je tape avec un seul doigt....


              • C'est Nabum C’est Nabum 20 mai 18:29

                @juluch

                C’est fort long


              • alinea alinea 20 mai 22:07

                Le format article est un piège, une addiction... tenter plus long, nouvelle, roman, c’est tellement différent. Vous l’avez peut-être déjà fait, mais l’article dans son format quotidien nous tire en arrière. C’est la solitude de l’écrivain que l’on fuit dans l’article.

                Ou alors tenter le collage, quand on est dépourvu de talent du dessin, pour illustrer l’histoire..

                Ou parler de la Seine, j’ai idée qu’il y a pas mal à dire, de moins poétique apparemment aujourd’hui !

                Ou le micro trottoir !!

                Je veux dire, garder le rythme, garder le rite mais le dévoyer !!


                • eau-mission eau-mission 20 mai 23:00

                  @alinea

                  Ah, c’est une double synchronicité ! La première, tu la découvriras. La seconde, c’est que dans mes oeuvres au format un peu plus long qu’un article il y a un conte fantastique qui se passe sur le cours du Loing qui, joint la Loire à la Seine.

                  Et qui joint aussi, tout comme la sobirana

                  Ma mair, ma sòr, ma hilha,

                  Ma bèra amor, qu’ei la lenga occitana.


                • C'est Nabum C’est Nabum 21 mai 06:29

                  @alinea

                  J’ai écrit Trois romans, un livret de chant, deux recueils de contes et un livre de souvenirs

                  Je modifie les plaisirs

                  et le micro quai ne m’est pas inconnu

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