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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > L’envers de la création

L’envers de la création

Renversant…

Un ver versatile et néanmoins versificateur battait la campagne à la recherche de l'inspiration. L'animal avait l'ambition de faire son trou dans le monde des lettres, une pensée qui loin d'être terre à terre le plaçait dans les hautes sphères de la littérature. Il taillait sa route, cherchant à trouver sa voie dans un univers hostile pour qui n'a pas fait les grandes écoles.

Le pauvre fut lâchement aspergé de vermifuge et dut trouver refuge dans une petite cabane de jardin. La présence d'une fourche et d'un râteau ne lui disait rien qui vaille, il se sentait en territoire hostile quand la présence d'un verre à pied le rasséréna. Le ver si dit in petto qu'il était là en pays de connaissance et qu'il pourrait même saisir cette occasion pour écrire quelques vers.

Il y a souvent loin des vers à la bouche. Le lombric ne trouvant pas l'inspiration qu'il espérait tant. Il eut beau se dodeliner en tous sens, les mots se refusaient à lui. L'homophonie n'était sans doute pas poussée à son paroxysme. Il explora plus avant ce local à la recherche de son graal. En dépit de la rareté de la chose, il finit par le dénicher dans un recoin de ce curieux capharnaüm.

Un verre vert à pied était posé là, cul par-dessus tête, à l'envers si vous préférez, laissant deviner la curieuse gravure qui le décorait. C'était, d'après notre lombric qui avait quelques connaissances zoologiques, un perroquet de la plus belle espèce. Se contorsionnant, chose assez facile pour ceux de son espèce, l'animal put lire la légende inscrite sous la représentation : Vert-Vert, le perroquet de Nevers.

Il était manifestement en territoire conquis puisque le sieur Jean-Baptiste Gresset avait composé un poème sous la forme de quatre chants en décasyllabes en 1734. Connu initialement sous le titre Vairvert ou les voyages du perroquet de Visitation de Nevers il devient un « poème héroïque » lors des éditions suivantes, les voyages se singularisant, le perroquet n'étant plus que de Nevers et se prénommant Vert-Vert.

Notre ver de terre n'hésitait nullement à chercher ses sources sur Wikipédia, se sentant en affinité avec un tel site. Il en conclut à la lecture de cet article qu'il devait puiser dans ce verre son inspiration pour son grand œuvre, celui qu'il portait en lui. La composition poétique n'était pas de nature à effrayer le spécialiste de la décomposition. Chacun cherche justificatif en sa faveur, le ver de terre n'échappant pas à cette pratique.

Il allait se mettre au travail, s'étant promis pour faire mieux que Gresset de préférer l'Alexandrin au décasyllabe, l'ambition joue parfois des tours pendables quand on dispose d'un ego surdimensionné, quand le malheureux se prit, non pas le pied dans un tapis mais plus exactement dans un soulier de vair. Le contact de cette délicate fourrure le mit en émoi.

Le ver se prit de pitié pour le pauvre écureuil qui avait bien malgré lui offert sa fourrure pour cette chaussure. L'animal fut pris soudainement d'un désir de vengeance, il banda toutes ses forces pour faire basculer le verre dans le vide. La chute ne se termina pas comme il l'espérait. Quoique le perroquet n'est pas l'ami des chats, le susdit verre retomba sur son pied, sans subir le moindre dommage.

Le lombric eut à cet instant une révélation : la poésie ne serait jamais son domaine de prédilection. Il tourna le dos à cette curieuse cabane pour aller vivre sa névrose ailleurs. Loin de se faire un sang d'encre, il passa sans autre forme de procès à la prose, sage décision pour qui est privé de pieds. En fuyant les rimes, il évita la déprime et se lança dans la rédaction de son épopée.

Il avait là matière à raconter une histoire. Son aventure fut le terreau duquel germerait un récit épique, du moins l'espérait-il. Hélas, il ne put mener à terme son projet, entre un point-virgule et des guillemets, un oiseau vint mettre fin à son passage sur terre. Il partit dans les cieux en déplorant bien trop tard cependant, de n'être pas resté dans ses galeries souterraines. Il convient de savoir rester à sa place même quand on aspire à vivre de sa plume.

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9 réactions à cet article    


  • Clocel Clocel 3 janvier 14:41

    Autobiographique ? smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 3 janvier 17:18

      @Clocel

      Je ne suis qu’un vermisseau


    • Sirius S. Lampion 3 janvier 15:05

      En fait de poésie, Vert-Vert, le «  perroquet dévot » qui parlait un langage chrétien (le latin) quand il était à Nevers, avait appris sur le bateau qui l’emmenait à Nantes le vocabulaire des matelots et des femmes légères, et il jurait comme un marinier dans un mélange de patois morvandiau et d’argot parigot.

      Le lombric a au moins eu la sagesse de ne pas suivre cet exemple déplorable et de continuer à "cultiver son jardin".


      • Sirius S. Lampion 3 janvier 16:29

        @S. Lampion

        A moins de rejoindre les copains de Boby Lapointe :

        "Nous étions trois Je commence par moi

        Moi que l’on traite de poète, Car je fais des vers,

        Un nivernais... Très raffiné

        Surnommé, Oh ! que c’est bête L’esthète de Nevers.

        J’ai tout dit sauf - Le Philosophe...



      • juluch juluch 3 janvier 15:11

        Cette histoire lombricienne serait ’elle la votre ?? smiley

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