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Accueil du site > Culture & Loisirs > Parodie > Le gniot indigeste

Le gniot indigeste

 

Un versificateur

 

Il pourrait se prénommer Clément ou bien Raymond mais qu'importe puisque l'essentiel pour lui est de se faire un nom. Pour satisfaire son ego, il couche sur le papier des écrits qu'il désigne pompeusement sous le vocable de poèmes. La chose peut surprendre au demeurant tant le personnage se gonflait d'une importance qui laisse pantois celui qui par la suite, explorera ses lignes.

La posture, c'est là l'essentiel pour donner à croire qu'il suffit de s'accoler une étiquette pour que les muses vous adoubent. L'homme ne manque justement pas de cette suffisance qui alerte tous ceux qui s'échinent à coucher sur le papier des sentiments en se demandant par quelle étrange alchimie, ceux-ci peuvent parfois de très loin, approcher les œuvres magnifiques de nos illustres auteurs.

Il est donc poète et pétrit avec vigueur la langue française. Il en fait du reste grand état, publie des recueils, répond à des interviews, glisse ses vers, ses petites traces, dans différents opuscules où il ne cesse de revendiquer son terroir. C'est ainsi qu'il se persuade qu'avoir les pieds dans la vase des marais donne des ailes et du talent.

Il avance avec ses gros sabots, s'octroyant une attachée de presse, une chargée de communication car, comme chacun sait, le poète véritable ne peut consacrer la moindre minute aux contingences d'une société qu'il survole de sa verve littéraire. Il délègue tandis qu'il s'attache à laisser une œuvre inoubliable pour l'édification des générations futures.

L'approcher est difficile. Le lecteur ne voudrait pas interrompre ses réflexions. Il est sans doute en pleine inspiration. Il ne faudrait pas, par cette faute impardonnable, priver notre civilisation d'un poème décisif. Il confie les contingences matérielles à sa première admiratrice qui vendra avec jubilation les fruits de son talent immense.

Spectacle éblouissant de l'auteur qui accepte alors de descendre de son Eden pour consentir à quelques lignes sur ce futur trésor de la pensée. Il couche quelques mots, une signature qui bientôt vaudra de l'or. Le lecteur peut se retirer, en s'excusant presque, d'avoir interrompu le souffle poétique qui l'habitait alors.

Les muses parfois s'amusent à leurrer leur monde. Elles sélectionnent avec une douce ironie un personnage qui tient plus de l'outre vide que de l'inspiré céleste. C'est alors qu'elles l'incitent à s'exposer ainsi, se prétendre poète, revendiquer haut et fort ce terme qui se passe aisément de l'auto-proclamation. Elles agissent ainsi sans doute pour que, ceux qu'elles ont véritablement touchés de leur grâce, puissent œuvrer dans la discrétion et le silence qui sied à cet art magnifique.

Seul souci, mais il est de taille, l'acheteur peut rapidement se sentir floué. Il vient d'acquérir un objet littéraire indéterminé, incertain, insignifiant. Il se promet de ne plus se laisser avoir, de se méfier la fois prochaine quand un individu, arc-bouté sur ses ergots, la crête flamboyante et le chant tonitruant, lui affirmera qu'il est un grand écrivain.

Les écrits vains font souvent grands dégâts. Ils découragent des lecteurs occasionnels qui devant cet achat inconsidéré qu'ils ont consenti en se fiant au décorum et aux flagorneries multiples, se promettent de ne plus se laisser pendre. Un lecteur de perdu, ce n'est certes pas dix de retrouvés. Le livre souffre de ce mal sournois de la surenchère et de l'explosion des auteurs auto-proclamés.

NB : Le gniot est un gâteau mal pétri, mal cuit qui propose un met sans saveur, sans tenue. L'usage a généralisé ce terme pour un travail bâclé, une production qui ne laisse aucun souvenir. Pratiquer la chose dans son petit coin de terre justifie le sous-titre qui n'est qu'un jeu de mots sans incidence, ça va de soi, rédigé par un médiocre écriveur qui hait ses vers et se trouve par la même occasion naturellement jalouse du talent de celui qu'il tourmente honteusement.

À contre-plume


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18 réactions à cet article    


  • Sirius Grincheux 14 octobre 2023 08:36

    ça sent le règlement de comptes, mais c’est hermétique pour le non-initié que je suis


    • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 09:01

      @Grincheux

      C’est normal


    • ysengrin ysengrin 14 octobre 2023 09:25

      @C’est Nabum
      bonjour,

      pour moi aussi c’est un peu de l’hébreu.

      Piron, notre Rabelais bourguignon disait de Voltaire :

      « Celui qui voulait être tout, et qui ne fut presque rien ».


    • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 octobre 2023 08:49

      Pas de langue de zoiziaux sur HAMAS ET ARRAS ???


      • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 09:01

        @Mélusine ou la Robe de Saphir.

        Aucune


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 octobre 2023 08:59

        Nabum, je vous conseille le MATON. Mot à double sens : Mater (mettre le roi adverse en position de MAT (MATTHIEU, prophète du signe de la balance, car il s’agit de bien peser son poids de farine), Mater : zieuter (le FLEURS BLEUS de RAYMOND QUEUE NO), ou encore mater : dompter (car il s’agit de savoir dompter le lait battu pour réussir la tarte au maton). Contes à régler sur la LOIRE : TON MAT(H). 


        • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 09:01

          @Mélusine ou la Robe de Saphir.

          Merci


        • Vivre est un village Vivre est un village 15 novembre 2023 09:16

          @Mélusine ou la Robe de Saphir.

          Aucune règlent de compte sur la Loire après ton départ, Mélusine, simplement l’élaboration d’un chemin critique pour que nous puissions survivre au malheureux déclenchement de ton siège à Agoravox que tu ne savais pas être éjectable...

          A bientôt.
          Amitié.


        • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 octobre 2023 09:01

          Le lait battu est une spécialité belge. Une sorte de lait un peu aigre. Question d’habituer l’enfant à se séparer du doux lait de la mère (sucré).


          • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 14 octobre 2023 09:05

            Raymond Queneau : BATTRE LA CAMPAGNE. 

            Le vent marcheur l’hirondelle qui ne se lasse

            les bourrées de jonc rare les blés qui dépassent

            les têtes des avoines noires ou d’hiver

            la blancheur des ciments les cailloux de la route

            les libellules les vain » papillons divers

            la machine en sommeil les dévoreurs de croûtes

            les buveurs de vins vieux les errants de toujours

            composent en gradins l’ordre mystagogique

            des souvenirs naissants délaissés tout le jour

            et reformant la nuit leurs rangs hypnagogiques



            • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 09:38

              @Mélusine ou la Robe de Saphir.

              Merci


            • juluch juluch 14 octobre 2023 12:16

              N’est pas Baudelaire ou Victor Hugo qui veut !!


              • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 19:21

                @juluch

                Ce n’est pas grave à la condition de ne pas se prendre pour ce qu’on n’est pas


              • Vivre est un village Vivre est un village 17 octobre 2023 10:46

                @juluch

                N’est pas Rainer Maria Rilke qui veut, non plus...

                Extrait la la première élégie de Duino traduite par Jean-Pierre Lefebvre que je viens de lire, ce matin : 

                « Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain me prendrait sur son coeur : son surcroît de présence me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore supporter,
                Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
                Et donc je me retiens et ravale l’appel
                d’obscurs sanglots. Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ? Ni d’anges, ni d’humains,
                et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
                que nous ne sommes pas si confiants que cela sous nos toits dans l’univers expliqué. Peut-être qu’il nous reste quelque arbre sur la pente, où nous pourrions chaque jour le revoir ; il nous reste la route d’hier
                et la fidélité mal élevée d’une habitude
                qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie. » http://casentlebook.fr/elegies-de-duino-rilke/

                A bientôt.
                Amitié.


              • mosel 14 octobre 2023 18:44

                Un paon muait,un geai prit son plumage,puis après se l’accommoda ;puis parmi d’autres paons tout fier se panada,croyant être un beau personnage.Quelqu un le reconnut:il se vit bafoué.Berné,sifflé,moqué,joué,et par messieurs les paons plumé d’étranges sorte ;Même vers ses pareils s étant réfugié,il fut par eux mis a la porte.

                Il est assez de geais a deux pieds comme lui qui se parent souvent des dépouilles d’autrui,Et que l’on nomme plagiaires.Je m’en tais et ne veux leur causer nul ennui ;

                Ce ne sont pas la mes affaires. JEAN DE LA FONTAINE


                • C'est Nabum C’est Nabum 14 octobre 2023 19:22

                  @mosel

                  Ni paon ni geai, je ne suis qu’un pigeon las d’être plumé


                • mosel 16 octobre 2023 18:18

                  Mon cher nabum je ne voulais pas vous froisser je faisais référence au personnage que vous avez d’écrit.

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